La dépression ou l'art de se leurrer - A. Miller
La dépression ou l'art de se leurrer
par Alice Miller*
* Alice Miller, psychothérapeute, est l'auteure de plusieurs livres sur l'influence de l'enfance dans la vie de l'adulte, notamment Libres de savoir, éd. Flammarion, 2001. Une présentation de son travail peut être consultée sur son site www.alice-miller.com.
Résumé : La dépression est la conséquence de l’évitement de toutes les émotions reliées aux blessures de l’enfance. Dans une société qui fonctionne sur le déni de ces souffrances et se tient toujours du côté des parents, il est rare de trouver une personne éclairée pour confirmer l’importance de ce vécu précoce.
Depuis ma jeunesse, l’écrivain russe Anton
Tchekhov compte parmi les auteurs que je préfère. Je me souviens très bien de
l’appétit avec lequel j’ai, vers l’âge de 16 ans, dévoré son récit La salle No 6, et de l’admiration que
j’éprouvais pour l’acuité de son regard et la finesse de sa psychologie, et
plus encore pour le courage avec lequel il aborde la vérité et la donne à voir,
sans chercher à épargner quiconque lui est apparu comme une crapule.
C’est seulement beaucoup, beaucoup plus
tard que j’ai lu sa correspondance et que j’y ai trouvé, ainsi que dans les
biographies qui lui sont consacrées, des informations sur son enfance. Il m’est
alors apparu que ce courage de dire la vérité, que j’admirais tant chez
Tchekhov, trouvait ses limites dès que son père était en cause. Voici ce que
dit de lui sa biographe Elsbeth Wolffheim:
« À l’école, il était rabaissé et
humilié, mais ce n’était rien à côté de ce qu’il subissait à la maison. Le père
de Tchekhov était irascible et grossier, il traitait ses proches avec une
rigueur extrême. Les enfants prenaient des raclées presque tous les jours, ils
devaient se lever à cinq heures du matin, aider au magasin avant l’école,
recommencer après, si bien qu’ils trouvaient à peine le temps de faire leurs
devoirs. De plus, en hiver, il faisait un froid glacial dans le sous-sol où le
magasin était installé, au point que l’encre y gelait. Jusque tard dans la
soirée, les trois frères servaient les clients tout comme les jeunes apprentis,
ils étaient battus par leur patron comme eux et parfois, debout, s’endormaient
d’épuisement. Le père […] prenait part avec un zèle fanatique à la vie de la
paroisse, il dirigeait le choeur, et ses fils devaient y chanter. » (1)
Tchekhov écrivit un jour que lorsqu’il
chantait dans ce choeur, il se sentait comme un déporté en camp de travail (2),
et dans une lettre à son frère, il lui suffit de quelques lignes pour tracer de
son père un portrait conforme à la vérité, mais cette vérité semblait ne
trouver aucune place dans sa vie : « Le
despotisme et le mensonge ont gâché notre enfance au point de se sentir mal et
d’être pris de peur lorsque le souvenir remonte. » (3)
De telles affirmations sont extrêmement rares, le fils s’est préoccupé toute sa
vie, au prix de lourds sacrifices financiers, de l’entretien de son père. Pour
ce qui est des sacrifices psychiques qu’il a également consentis en réprimant
sa vérité propre, personne dans son entourage n’en a eu la moindre idée, parce que
l’opinion générale était qu’il y avait de la vertu à se comporter ainsi.
Pourtant, le refoulement des sentiments authentiques en relation avec les
traitements épouvantables infligés à l’enfant a nécessité beaucoup d’énergie et
pourrait bien avoir déclenché la tuberculose que Tchekhov a attrapée très tôt,
ainsi que ses accès de dépression, que l’on appelait alors mélancolie. Il
mourut finalement à l’âge de 44 ans (4).
La lecture du livre récemment paru de Ivan
Bounine, Tchekhov, m’a appris
que mes réflexions peuvent être confirmées par les paroles de Tchekhov
lui-même. Il exprime ici des louanges à l’égard de ses parents, bien qu’il ait
parfaitement dû savoir quel travestissement il infligeait ainsi à la réalité :
« Mon père et ma mère sont les seuls
êtres au monde auxquels je ne refuserai jamais rien. Si je réussis un jour dans
ma vie, je le leur devrai entièrement. Ce sont des gens merveilleux. L’amour
infini qu’ils portent à leurs enfants les place au-dessus de tout éloge, efface
tous les défauts [qu’a pu
développer en eux une existence trop dure – c’est la fin de la phrase dans
l’édition française, NDT] » (5)
D’après Bounine, Anton Tchekhov aurait même à
plusieurs occasions souligné ce point devant des amis : « Je n’ai jamais enfreint le quatrième
commandement. » (6)
Le décalage entre la réalité refoulée et
la façade « heureuse » m’est aussi apparu en regardant un documentaire sur la
chanteuse Dalida, qui a souffert pendant de longues années de dépression grave
et a mis fin à ses jours à l’âge de 54 ans. Il y a eu un grand nombre d’interviews
de personnes qui prétendaient la connaître très bien et l’aimer, et qui étaient
très proche d’elles dans la vie privée ou professionnelle. Sans aucune
exception, ces personnes ont affirmé que ses crises de dépression et son
suicide étaient pour elles absolument incompréhensibles. Sans arrêt revenaient
ces phrases : « Elle avait tout ce que
l’on désire habituellement : la beauté, l’intelligence, un énorme succès.
Pourquoi donc alors ces dépressions à répétition ? »
Le fait que tous les proches de Dalida ne
se soient doutés de rien m’a permis de saisir dans quelle solitude, tant
intérieure qu’extérieure, la vie de cette vedette a dû se dérouler, et le grand
nombre de ses admirateurs n’y a rien changé. J’avais l’intuition que l’on
pourrait trouver dans l’enfance de la chanteuse de quoi expliquer son suicide,
mais cet aspect n’a été évoqué par personne au cours de l’émission. En
cherchant sur Internet, je n’ai rien trouvé d’autre que ce qui est répété
partout, c’est-à-dire que Dalida aurait eu une enfance heureuse et des parents
aimants. Pourtant, quoi de plus éclairant que la vie des célébrités pour
établir à quel point la dépression est répandue. Malgré tout, la question de
l’origine, de la racine de cette souffrance n’est presque jamais posée. Du coup,
la dépression apparaît comme inévitable et inexplicable. Il y a en particulier
une question qui n’est jamais posée : Comment
Dalida enfant a-t-elle donc bien pu vivre le fait d’être élevée par des
religieuses ?
Comme j’ai lu beaucoup de choses sur ce type
d’internats, je sais qu’il n’est pas rare que des enfants doivent y subir des
violences d’ordre sexuel, physique ou psychique, qu’il leur faut considérer
comme des manifestations d’amour et d’attention, ce qui leur apprend à accepter
le mensonge comme une chose normale. Je sais aussi que les tentatives de faire
connaître à l’opinion publique les conditions de vie scandaleuses qui règnent
dans ces établissements font face à l’obstruction des institutions religieuses.
La plupart des anciennes victimes font tout pour oublier les tourments qui leur
ont été infligés dans leur enfance, d’autant plus qu’elles savent qu’elles ne
trouveront dans la société pour ainsi dire aucun témoin lucide pour prendre
leurs souffrances au sérieux. Seule l’indignation de la société pourrait les
aider à ressentir leur propre indignation et à se rebeller contre le mensonge.
Mais lorsque cette assistance vient à manquer pour ainsi dire à chaque fois
qu’elle est sollicitée, lorsque toutes les autorités se solidarisent avec le
mensonge, c’est comme si on imposait de force la dépression à ces personnes.
La vie de Dalida, comme celle de
nombreuses célébrités, reste mystérieuse, et c’est justement cela qui semble
fasciner le public.
Bien des vedettes mondialement célèbres, qu’on
les ait jalousées ou adulées, ont au fond été extrêmement seules. Comme
l’exemple de Dalida le montre, elles n’ont jamais été comprises, parce qu’elles
ne pouvaient pas se comprendre elles-mêmes. Et elles n’étaient pas en situation
de pouvoir se comprendre parce que leur entourage ne leur renvoyait pas de la
compréhension, mais uniquement de l’admiration. Finalement, elles mirent fin à
leurs jours. Ce cycle nous en dit long sur les mécanismes de la dépression. Sur
la voie du succès, c’est de la compréhension que ces gens recherchent, ils se
donnent un mal infini pour l’obtenir et pour qu’un public toujours plus vaste
s’enthousiasme pour eux. Mais cet enthousiasme ne les nourrit pas aussi
longtemps que la compréhension leur manque. Alors, malgré leur carrière, la vie
n’a finalement aucun sens pour eux, tellement ils restent étrangers à
eux-mêmes. Et ils restent étrangers à eux-mêmes parce qu’ils veulent oublier
complètement ce qui est arrivé au début de leur vie et nient leurs souffrances
précoces. Comme la société toute entière fonctionne de cette façon, ces
vedettes ne pouvaient être comprises de personne et souffraient donc de leur
solitude.
Il en va autrement quand il s’agit des
blessures psychiques précoces, qui jouent dans la vie des hommes un rôle
comparable à celui du pied foulé au début d’une randonnée. Aucune considération
philosophique ne permettra de s’en débarrasser, elles vont peser de tout leur
poids sur sa vie, avec cependant cette différence qu’en règle générale personne
ne leur accordera d’attention. Sur ce point, la société toute entière est assez
d’accord avec la personne qui souffre et qui ne peut pas raconter ce qui lui
est arrivé. Il est aussi possible que cet individu blessé dans son intégrité
n’en ait aucun souvenir. S’il lui faut passer toute sa vie parmi des gens qui
prennent à la légère les traumatismes subis dans l’enfance, il joue le jeu. De
ce fait, sa vie se déroulera donc à peu près comme la randonnée d’un homme qui
s’est foulé le pied juste au début, mais ne veut pas l’admettre et fait comme
si en fait rien ne lui était arrivé. Mais, si d’aventure il rencontre des gens
qui ont connaissance des répercussions des traumatismes précoces, il a
l’opportunité de rompre avec son déni et d’ouvrir ainsi la voie à la guérison
des blessures qu’il a subies autrefois.
Beaucoup de gens n’ont pas cette chance.
Car justement, plus ils sont célèbres, plus on trouve autour d’eux des
admirateurs superficiels et sans réflexion, et aucun d’entre eux ne mesure la
détresse dans laquelle se trouve leur idole, ou n’a ne serait-ce que l’envie de
la mesurer. Les exemples ne manquent pas. Que l’on pense à la vie de la
merveilleuse Marilyn Monroe, placée en foyer par sa mère et violée à l’âge de 9
ans ; revenue plus tard dans sa famille, elle a été harcelée sexuellement par
son beau-père. Jusqu’à la fin de sa vie, elle n’a eu confiance qu’en son
charme, si bien que la dépression et les drogues ont eu raison d’elle. Voici en
quels termes elle a parlé de son enfance, des phrases que l’on retrouve
fréquemment sur Internet : « Je n’étais
pas orpheline. Une orpheline n’a pas de parents. Tous les autres enfants à
l’orphelinat n’avaient plus de parents. J’avais encore une mère. Mais elle ne
voulait pas de moi. J’avais honte d’expliquer ça aux autres enfants là-bas… »
Bien des gens souhaiteraient sans doute
que leur propre vie soit une réussite semblable, et ne peuvent pas comprendre
pourquoi une star n’arrive pas à en jouir. Quand un individu est
particulièrement doué, il peut aussi utiliser ce talent pour renforcer ses
mécanismes de défense contre la vérité et la maintenir ainsi éloignée de
lui-même et des autres.
Dans ce mécanisme cyclique, une exception
est constituée par les gens qui ont subi des traumatismes qui n’ont pas été
causés par les parents. Ces personnes ont plus de chances de trouver de
l’empathie dans la société parce que chacun peut se représenter ce que cela
signifie par exemple que d’avoir grandi dans un camp, ou, pour un otage aux
mains de terroristes, d’avoir passé quelques jours dans un état d’impuissance
affreux. Alors, ceux qui ont subi de tels traumatismes peuvent s’attendre à
être compris, aussi bien par leurs parents adoptifs que par leurs amis ou ce
qui reste de la famille, et à ce qu’on leur témoigne de la compassion.
Il est exact d’affirmer que nous possédons
en tant qu’enfants de nombreuses ressources qui nous rendent capables de
survivre même à des blessures graves. Mais pour se débarrasser de leurs
séquelles, nous avons besoin de trouver des témoins lucides dans la société.
Cependant, on fera le constat de leur inexistence dans la plupart des cas où
les parents sont les auteurs des mauvais traitements. Un enfant qui a subi la
maltraitance de ses parents se retrouve adulte sans témoins, et reste de ce
fait isolé : non seulement des autres, mais aussi de lui-même, parce qu’il a
refoulé la vérité, et que personne ne l’aide à appréhender la réalité de ce
qu’il a vécu enfant. Car la société se tient toujours aux côtés des parents.
Chacun sait qu’il en est ainsi et du coup, à quoi bon oser s’approcher de sa
vérité ? Mais si cette personne arrive à ressentir et à exprimer sa colère dans
le cadre d’une thérapie réussie, elle se verra sans doute confrontée à
l’hostilité de toute sa famille et de ses amis, qui vont l’attaquer parce
qu’elle a transgressé un tabou et que cette transgression fait également peur
aux autres. Ces gens peuvent aller jusqu’à employer tous les moyens contre
cette personne de façon à pouvoir garder intact leur propre refoulement.
Parmi ceux qui ont survécu à des mauvais
traitements précoces, il y en a peu qui sont en état de supporter ces
agressions et qui sont capables d’accepter de se retrouver isolés plutôt que de
trahir leur vérité. Cependant il est permis d’espérer qu’avec la diffusion de
la connaissance de la dynamique émotionnelle de ces processus, les choses
changeront, et que grâce à l’éclosion de groupes de personnes plus éclairées,
on ne soit plus condamné à une solitude absolue. Voilà pourquoi je considère la
théorie de la résilience comme dangereuse, parce qu’elle est susceptible de
diminuer le nombre des témoins lucides plutôt que de l’augmenter. Si la
résilience innée pouvait suffire à se dégager des causes des traumatismes,
alors l’empathie des témoins lucides ne serait plus nécessaire. Je pense que
l’indifférence à l’égard des mauvais traitements infligés aux enfants est déjà
suffisamment grande, il n’y a pas besoin de la renforcer davantage.
Les personnes éclairées sont toutefois
toujours difficiles à trouver, même parmi les spécialistes. Par exemple,
quelqu’un qui veut se renseigner sur la vie de Virginia Woolf et fait des
recherches sur Internet tombe sur une page où des psychiatres de renom lui
apprennent qu’elle était « malade mentale », et que cette affection n’avait
aucun rapport avec la violence sexuelle à laquelle elle avait été soumise
pendant des années au cours de son enfance. Bien que dans ses écrits
biographiques, Virginia Woolf décrive de façon saisissante la terreur dans
laquelle elle a vécu son enfance (7),
en 2004, le refus d’établir une relation entre ces traumatismes lourds et ses
dépression ultérieures est encore complet.
Il faut dire que de son vivant, on
n’imaginait même pas qu’il puisse y en avoir une. L’écrivain qu’elle était
lisait ses textes aux membres de son cercle littéraire, mais n’en restait pas
moins seule, car la signification de ce qu’elle avait vécu étant petite lui
échappait à elle autant qu’à son entourage, et même à son mari Léonard (comme
en témoigne ce qu’il a écrit sur sa femme après sa mort). Elle était entourée
de gens qui partageaient ses ambitions artistiques et les encourageaient, mais
elle-même n’était pas en état de comprendre la sensation de solitude absolue
qui resurgissait régulièrement. Cela peut finalement paver la voie au suicide,
parce que le sentiment présent d’isolement rappelle en permanence l’abandon et
la menace pour son existence vécus par le petit enfant.
Quand une prétendue maladie mentale a
conduit quelqu’un au suicide, on lui trouve presque à chaque fois des causes
génétiques. Les biographes décrivent la vie de leurs protagonistes dans tous
ses détails, mais omettent le plus souvent d’accorder à l’enfance l’attention
qu’elle mériterait.
Récemment est parue une riche biographie
de Jean Seberg, que l’auteur Alain Absire a présentée sous la forme romanesque (8).
Elle a tenu le rôle principal dans 35 films, dont certains sont très connus,
comme À bout de souffle.
Manifestement, Jean Seberg avait montré dès l’enfance un intérêt très vif pour
le théâtre, et elle avait beaucoup souffert de la rigidité morale d’un père
protestant luthérien, qu’elle idéalisa par la suite. Alors qu’elle n’avait pas
encore terminé sa scolarité, elle fut retenue pour son premier rôle au cinéma
parmi des milliers de candidates, son père fut dans l’incapacité de se réjouir
avec elle et ne sut que lui prodiguer des mises en garde. C’est ainsi qu’il se
comportait chaque fois qu’elle connaissait un succès : au nom de son amour
paternel, il lui faisait des sermons. Toute sa vie, elle fut incapable de
s’avouer à quel point l’attitude de son père la blessait, et elle endura les
tortures que lui faisaient subir les partenaires qu’elle se choisissait d’après
un modèle déterminé.
Naturellement, on ne peut pas dire que le
caractère de son père était la cause de sa vie gâchée. C’était son propre déni
des souffrances causées par ce père-là qui entraînaient ses graves crises de
dépression. Ce déni dominait sa vie et la conduisait à retomber régulièrement
sous le pouvoir d’hommes qui ne la comprenaient pas plus qu’ils ne la
respectaient. Elle répétait compulsivement ce choix de partenaire
autodestructeur parce qu’elle ne voulait pas prendre conscience des sentiments
que l’attitude de son père faisait naître en elle. Elle était incapable de
trouver un partenaire satisfaisant, ou bien il lui fallait le quitter dès
qu’elle en avait trouvé un qui n’avait pas avec elle un comportement
destructeur. À quel point avait-elle donc dû désirer que son père la
reconnaisse un jour pour tous ses succès… Mais il ne lui renvoyait que des
critiques.
La vie (et la mort) de toutes ces vedettes
au sommet de la réussite prouve bien que la dépression n’est pas une souffrance
causée par le présent, qui tout au contraire leur a apporté la réalisation de
quasiment tout ce dont elles ont pu rêver, mais une souffrance due à la
séparation de leur propre soi, dont l’abandon précoce n’avait jamais pu être
pleuré comme il l’aurait dû, et qui de ce fait n’a jamais pu vivre. Tout se
passe comme si le corps utilisait la dépression pour protester contre cette
infidélité à soi-même, contre le mensonge, contre cette coupure de ses
véritables sentiments, parce qu’il ne peut tout simplement pas vivre sans
sentiments authentiques. Il a besoin du libre flux des émotions, qui aussi se
modifient constamment : fureur, tristesse, joie. Quand elles sont coincées dans
la dépression, le corps ne peut pas fonctionner normalement.
Pour l’y contraindre malgré tout, toutes
sortes de moyens sont utilisés : drogues, alcool, nicotine, médicaments, fuite
dans le travail. Tout cela pour ne pas avoir à comprendre la révolte du corps,
pour ne jamais risquer de découvrir que les sentiments ne nous tuent pas, mais
peuvent au contraire nous libérer de la prison qui a pour nom dépression. Bien
sûr, la dépression peut revenir si nous recommençons à ignorer nos sentiments
et nos besoins, mais avec le temps nous pouvons apprendre à toujours mieux nous
y prendre avec elle. Etant donné que les sentiments nous renseignent sur ce qui
nous est arrivé dans notre enfance, nous pouvons comprendre ce qu’ils nous
disent, nous n’avons plus à les craindre autant qu’avant, la peur diminue et
nous sommes mieux préparés à faire face à une nouvelle phase dépressive.
Toutefois, il ne nous devient possible de laisser libre cours aux sentiments
que lorsque nous nous n’avons plus à craindre nos parents intériorisés.
Je suppose que l’idée que nos propres
parents ne nous ont pas aimés est insupportable à la plupart des gens. Plus les
faits s’accumulent et mettent en lumière cette déficience, plus les gens
s’accrochent à l’illusion qu’ils auraient été aimés. Ils s’accrochent aussi aux
sentiments de culpabilité, dont la fonction devrait être de leur confirmer que
c’est bien à cause d’eux, de leurs erreurs et de leurs déficiences si leurs
parents ne leur ont pas manifesté d’amour. Dans la dépression, le corps se
rebelle contre ce mensonge. Beaucoup préfèrent mourir, ou mourir symboliquement
en étouffant leurs sentiments, plutôt que de revivre l’impuissance du petit
enfant que les parents utilisent pour servir leur orgueil ou pour projeter sur
lui comme sur une cible leurs sentiments de haine accumulés.
Qu’est-ce qui caractérise une dépression ?
Avant tout l’absence d’espoir, la perte d’énergie, une grande fatigue, la peur,
le manque de motivation, de centres d’intérêt. L’accès à ses propres sentiments
est bloqué. Tous ces symptômes peuvent être présents ensemble ou isolément,
même chez un individu qui de l’extérieur semble bien fonctionner, qui est même
très productif au travail, qui éventuellement peut même avoir une activité
thérapeutique et chercher à aider les autres. Mais à lui-même, il ne peut
apporter aucune aide. Pourquoi ?
En 1979, dans Le Drame de l’enfant doué, j’ai expliqué comment certaines
personnes réussissent à se tenir éloignées de la dépression grâce à des
fantasmes de grandiosité ou à des actions extraordinaires, et comment cela peut
justement se produire dans le cas de psychanalystes ou de thérapeutes qui
apprennent dans leur formation à comprendre les autres, mais pas à se
comprendre eux-mêmes. J’en ai cherché les raisons dans l’enfance de ceux qui
choisissent ces métiers et montré qu’ils ont dû apprendre très tôt à ressentir
la détresse de leurs pères et mères, et à y réagir tout en mettant de côté
leurs propres sentiments et besoins. La dépression est le prix que paye
l’adulte pour ce renoncement à être soi-même. Toujours, il s’est demandé en
quoi les autres ont besoin de lui, et c’est ainsi qu’il en est venu non
seulement à négliger ses propres sentiments et besoins originels, mais aussi à ne
même pas les connaître. Mais le corps, lui, les connaît et insiste pour que
l’individu puisse vivre ses véritables sentiments authentiques et se donne le
droit de les exprimer. Pour des personnes qui ont été utilisées dès leur petite
enfance pour les besoins de leurs parents, cela n’a cependant rien d’une
évidence.
De cette façon, nombreux sont ceux qui au
cours de leur vie perdent complètement le contact avec l’enfant qu’ils ont été.
En fait, ils ne l’avaient jamais eu, mais avec l’âge, il leur devient encore
plus difficile de l’établir. D’un autre côté, l’accroissement de la dépendance
que l’âge impose au corps agit comme un rappel de la situation de l’enfant. On
parle alors de dépression sénile, et l’on pense qu’il faudrait l’accepter comme
quelque chose de naturel.
Mais il n’en est rien. Une personne qui
connaît son histoire n’est pas obligée de devenir dépressive avec l’âge. Et si
elle traverse des phases dépressives, il lui suffit de laisser ses sentiments
authentiques s’exprimer pour les faire disparaître. Car à tout âge, la
dépression n’est rien d’autre que la fuite devant la masse des sentiments que
les blessures de l’enfance pourraient faire remonter. C’est ce qui crée un vide
intérieur chez la personne touchée. Quand il faut éviter à tout prix les
souffrances psychiques, il n’y a finalement pas grand-chose qui soit capable de
maintenir la vitalité. Des prestations hors du commun sur le plan intellectuel
peuvent aller de pair avec une médiocre vie intérieure d’enfant sous-développé
émotionnellement. Cela est vrai à tout âge.
Les patients qui séjournent dans un centre
de santé mentale s’entendent toujours dire qu’ils n’ont pas à aller fouiller
dans leur enfance, qu’ils n’y trouveront pas de réponses et qu’ils feraient
mieux de se décider à tout oublier pour trouver leurs marques dans la nouvelle
situation. Rien n’est plus éclairant que les efforts qui sont faits pour éviter
tout ce qui pourrait jouer sur les nerfs des patients, ce qui conduit à interdire
les visites des proches. Le point de vue selon lequel de telles rencontres,
justement parce qu’elles ont un effet émotionnel fort sur le patient, peuvent
le stimuler (car les émotions ne sauraient avoir un effet nuisible, mais bien
au contraire bénéfique), n’est la plupart du temps toujours pas accepté dans
ces centres. On peut ressentir les effets tragiques que ce type de
prescriptions provoque parfois dans la vie des individus à la lecture de la
correspondance entre le poète Paul Celan et sa femme. On lui interdisait de
façon stricte de recevoir sa visite, ce qui renforçait encore son isolement et
sa maladie.
Dans le cas du roi Louis II de Bavière,
nous avons affaire à une façon spectaculaire de crier inconsciemment sa
solitude à la face du monde et de raconter ce qu’a été son enfance. Ce roi a
construit des châteaux fastueux qu’il n’a jamais habités. Dans l’un, il a passé
en tout onze jours, et il n’a jamais séjourné dans les autres. Ces merveilleux
châteaux ont été construits avec beaucoup de soin et d’après les principes de
la technique la plus moderne. Aujourd’hui, ils sont visités par des foules de
touristes, admirés par certains, suscitant les sourires de ceux qui n’y voient
que du kitsch, tandis que qu’un petit nombre les considère comme le fruit
bizarre d’un esprit malade. Car de son vivant déjà, la « schizophrénie » avait
été diagnostiquée chez Louis II, un diagnostic qui est toujours considéré comme
juste aujourd’hui et qui en fait n’explique rien. Ou alors, c’est dire que ce
comportement aberrant a pour cause une maladie génétique et qu’il est donc vain
de chercher à lui donner un sens.
Munis de ces informations trompeuses, les
visiteurs passent d’une salle à l’autre, dans ces luxueux châteaux qu’un roi «
malade » fit construire avec l’argent de ses sujets. Et jusqu’alors, personne
ne semble s’être posé la question : Que
s’est-il passé au seuil de cette vie royale ? Pourquoi cet homme
construisait-il des châteaux dans lesquels il n’habitait pas ? Que voulait-il
dire par là ? Voulait-il raconter une histoire que son corps avait mémorisée et
qu’il connaissait bien, mais que sa conscience devait écarter parce qu’il est
interdit d’accuser ses propres parents ?
Louis II, le premier-né, a été soumis dès
sa naissance à une éducation rigide qui fit de lui un enfant solitaire,
assoiffé d’amour et de contact. Le point-clé, c’est que ces besoins les plus
élémentaires étaient négligés d’une façon ahurissante. Cet enfant très sensible
ne trouve pas sa place auprès de parents qui le jugent bête et laissent les domestiques
s’occuper de lui. C’est auprès d’eux que le garçon reçoit le pain qu’on lui
refuse au château pour qu’il apprenne à discipliner sa faim. Que de telles
méthodes d’éducation soient tout simplement sadiques et renvoient donc à
l’enfance de ses parents, l’enfant ne peut pas le comprendre. Même si l’adulte
devait le comprendre un jour, cela ne lui servira pas à grand-chose, parce que
ce que son corps veut, c’est que les émotions enfouies et les véritables
sentiments refoulés puissent être retrouvés. Mais de toute sa vie, cela ne fut
pas possible à Louis II : d’où ce comportement aberrant, appelé schizophrénie.
Le roi respectait ses parents, comme il se doit. Il ne s’autorisait jamais à
laisser monter en lui son sentiment de frustration et, plus âgé, ne dirigeait
jamais sa colère vers d’autres cibles que des domestiques. Son incapacité à
exprimer son impuissance, alors même qu’il était condamné à être privé de
nourriture dans un cadre de vie luxueux, l’a amené à ne plus pouvoir ressentir
autre chose que de la peur.
C’est cette peur qui fut à l’origine de la
solitude qui fut la sienne à l’âge adulte. Il fuyait les gens, était poursuivi
par des cauchemars, vivait dans la crainte d’une agression soudaine. Il est
extrêmement vraisemblable que cette crainte puisse être rattachée à des
événements réels vécus dans l’enfance. Car Louis II vivait sa sexualité en
secret, il se faisait envoyer des photos de beaux jeunes gens qui croyaient
avoir été choisis comme modèles de nus par des artistes. Mais une fois dans les
appartements du roi, celui-ci abusait d’eux. De tels abus, une telle tromperie
sont inconcevables si l’abuseur n’a pas été lui-même abusé. On est donc porté à
en conclure que Louis II a subi des violences sexuelles dans son enfance. Rien
n’impose que cela se soit nécessairement produit dans le cercle familial. Par
les mémoires d’Heroard, médecin de la cour de France, nous sommes en effet
renseignés sur ce que le roi Louis XIII a pu subir de la part de la domesticité
quand il était enfant (9).
Tout cela n’aurait pas nécessairement mené
à la « schizophrénie » si au cours de son adolescence il s’était trouvé
quelqu’un pour aider le jeune Louis à voir quelle était sa situation, à déceler
tout ce qu’il y avait de cruel dans le comportement de ses parents, à s’y
opposer ou à tout le moins à s’avouer sa colère, ou encore à s’interroger plus
tard avec lui à propos de ce que ses projets de châteaux remuaient en lui. Il
est possible qu’il ait voulu inconsciemment donner forme par sa créativité à
quelque chose qu’il lui était interdit de penser consciemment: le fait
qu’enfant, malgré le grand luxe qui l’entourait, il ait dû vivre comme un moins
que rien. Pour ses parents, son existence ne comptait pas, ils ne
reconnaissaient pas ses capacités (le père ne le considérait pas comme assez
intéressant pour le prendre avec lui dans ses promenades) et ne le
nourrissaient même pas suffisamment, si bien que de temps en temps, il devait aller
chez des paysans en dehors du château pour manger à sa faim.
Parmi les très nombreux documents que l’on
trouve sur Internet à son sujet, voici ce que l’on peut lire sur son enfance :
« La façon de vivre des deux princes
était très simple. Parmi d’autres singularités, la bonne éducation de l’époque
imposait de ne pas laisser les enfants manger à leur faim, et le futur roi
était très content quand la fidèle servante Lisi et les laquais lui
rapportaient parfois à manger de la ville, ou lui donnaient un peu de leur
nourriture, plus abondante que la sienne.
S’il arrive que les jeunes princes
fassent une bêtise de leur âge ou viennent à manquer à un de leurs devoirs, ils
sont impitoyablement punis. Par cette éducation sévère, leur père, le roi Max
II, veut faire de ses fils des princes capables et travailleurs. […]
Max II n’arrive pas à établir une
relation de confiance avec ses fils, particulièrement avec le prince héritier,
dont la nature est très différente de la sienne; il se sent profondément étranger
à ses préoccupations et montre peu d’intérêt pour son développement. Voici ce
que raconte à ce propos dans ses souvenirs Franz von Pfistermeister, qui fut
pendant de longues années le secrétaire de cabinet de Max II, puis de Louis II
: “Le roi ne voyait ses deux petits garçons, les princes Louis et Otto, qu’une
à deux fois par jour, le midi au deuxième déjeuner et le soir à table au
souper, fort rarement dans les pièces où se déroulaient leur vie et leur
éducation. À ces occasions, il se contentait en général de leur présenter sa
main pour le salut et prenait congé au plus vite. Alors que le prince héritier
approchait déjà de sa majorité, de longs et importants efforts de conviction
avaient été nécessaires pour amener le roi à prendre avec lui son fils aîné
lors de sa promenade matinale dans le jardin anglais (de 9 à 10 heures). Cela
ne se reproduisit cependant que quelques fois. Le roi déclara : ‘Pourquoi me
faut-il parler avec ce jeune monsieur? Il ne porte intérêt à rien de ce que je
projette’.”
Le souvenir des situations d’échec
vécues tout au long de ces années d’éducation et de la froideur des rapports
avec son père a pesé sur Louis toute sa vie. À 30 ans, il écrit au prince
héritier Rudolf d’Autriche : “Tu peux t’estimer très heureux d’avoir joui d’une
éducation en tous points excellente et empreinte de compréhension, de surcroît,
c’est une chance que l’empereur s’intéresse personnellement avec tant d’ardeur
à ta formation. Avec mon père, il en est malheureusement allé tout autrement,
il m’a toujours traité de haut en bas [en français dans le texte, NDT], et tout au plus honoré de quelques mots froids et
protecteurs en passant. Cette curieuse façon de faire, tout comme ses autres
méthodes éducatives, était appréciée de lui pour la raison singulière que son
père en usait de même”.
Sa mère, la reine Marie, qui fut dans
sa jeunesse une beauté admirée, est une femme facile à vivre, mais limitée, et
qui ne s’intéresse en rien aux choses de l’esprit. Paul Heyse, l’un des membres
du cercle de poètes munichois réuni autour de Max II, disait d’elle : “Malgré
bien des tentatives, tous les efforts pour éveiller chez la reine un intérêt
pour la littérature et la poésie échouèrent. Elle ne se trouvait à son aise que
dans les bavardages et les conversations faciles…”
La reine Marie ne sait pas très bien
s’y prendre pour gagner le coeur de ses enfants. Franz von Pfistermeister
raconte dans ses mémoires : “La reine elle aussi s’y entendait fort peu pour
attirer vers elle ses petits princes. Certes elle leur rendait visite plus
souvent dans leurs appartements, mais elle ne savait pas se comporter avec eux
comme les enfants l’attendent. Cela non plus n’attirait pas les garçonnets vers
leur mère”. »
Même quand on a connaissance d’éléments
précis de l’enfance d’une personne, il est très rare que l’on établisse un
rapport avec les souffrances de l’âge adulte. On parle d’une destinée tragique,
sans chercher à en comprendre la nature. Il ne semble pas y avoir eu dans la
vie de Louis II quelqu’un qui l’ait et se soit interrogé sur le sens profond
que les châteaux avaient pour lui. Aujourd’hui encore, malgré un grand nombre
de films sur le « pauvre » roi, il ne s’est manifestement trouvé personne pour
rechercher dans son enfance le moment où cette prétendue « schizophrénie » a pris
naissance. Pendant ce temps, de nombreux scientifiques étudient
consciencieusement tous les détails de ses réalisations architecturales et leur
consacrent des livres. Le produit final d’une folie suscite un grand intérêt.
Mais sa naissance est entourée d’un profond silence, parce que nous ne pouvons
pas comprendre la genèse de cette maladie sans mettre à jour le manque d’amour
et la cruauté des parents. Et cela rend la plupart des gens malades, parce que
cela pourrait leur rappeler leur propre sort.
C’est la peur qu’éprouvent les enfants
bafoués ou même tyrannisés devant le visage véritable, sans fard ni masque, de
leurs parents, la peur qui nous entraîne vers l’automystification, et partant,
vers la dépression. Ce n’est pas uniquement l’individu isolé, mais la
quasi-totalité d’entre nous, toute la société, qui croit que les médicaments
ont résolu le problème une fois pour toutes. Mais comment cela se pourrait-il ?
La plupart des personnes dont j’ai évoqué le suicide prenaient des médicaments,
mais leur corps ne se laissait pas tromper et refusait une vie qui au fond n’en
était pas une. La plupart des gens gardent l’histoire de leur enfance
profondément enfouie dans leur inconscient et ont du mal, s’ils ne sont pas
accompagnés, à établir le contact avec leurs souvenirs originels, même si ils
le veulent. Ils n’ont pas d’autre choix que de se faire aider par des
spécialistes pour qu’il leur apparaisse qu’ils se sont raconté des histoires,
et pour se libérer de la morale traditionnelle. Pourtant si les spécialistes ne
font rien de plus que de prescrire des médicaments, ils contribuent à
consolider la peur, et de surcroît rendent encore plus difficile l’accès à ses
sentiments propres, dont les potentialités libératrices restent inutilisées.
Ce qui a été capital dans mon cas, c’est
que je me suis toujours posé de telles questions. Je me suis fait raconter mon
histoire disparue par mes tableaux, plus exactement par ma main toute seule,
elle qui de toute évidence savait tout, mais attendait que je sois prête à
ressentir avec le petit enfant en moi. Et alors j’ai vu tout à coup cet enfant
qui était utilisé par ses parents, mais qui n’était jamais vu, considéré ou
encouragé, et qui devait cacher profondément sa créativité pour ne pas se faire
punir en plus à cause d’elle.
Il ne faut pas analyser les tableaux de
l’extérieur. À un peintre, cela n’apporterait pas grand- chose. Pourtant, ses
propres tableaux peuvent réveiller chez lui des sentiments. S’il est en état de
les vivre et de les prendre au sérieux, il pourra se rapprocher de lui-même et
passer par-dessus les barrières de la morale. Alors, il lui sera possible de se
confronter à son passé et à ses parents intériorisés, et de se comporter avec
eux autrement qu’auparavant. À partir de sa conscience en développement et non
plus de sa peur enfantine.
En effet, si je peux ressentir ce qui me
fait mal et ce qui me fait plaisir, ce qui me contrarie ou même me met en
colère et pourquoi ; si je sais de quoi j’ai besoin et ce que je ne veux en
aucun cas, alors je me connais assez bien pour aimer ma vie et la trouver
intéressante, indépendamment de mon âge et de mon statut social. Alors il est
fort peu vraisemblable que survienne le besoin d’en finir avec la vie, à moins
que le processus de vieillissement, un affaiblissement croissant du corps, ne
suscitent de telles pensées. Mais dans ce cas, un être humain sait aussi qu’il
a vécu sa vraie, sa propre vie.
Alice Miller
Traduit de l’allemand par Pierre
Vandevoorde
© Alice Miller, avril 2005