symptômes et conséquences
Sur le site SIA à propos des symptômes
et conséquences
Reynaldo Perrone :
1 - Que se passe-t-il dans la communication ?
Comment communiquent les sujets qui se trouvent dans la
position haute de contrôle avec ceux qui sont dans la position basse de subir
une action ?
Quels types de messages envoient-t-ils, qui permettent à
ceux qui se trouvent dans la position basse, de s'accommoder de subir. Comment
celui qui se trouve dans la position basse accepte-t-il de subir l'emprise, la
force, la domination, la violence de celui qui se trouve dans la position haute
?
Il s'agit là de communication abusive :
La communication abusive c’est la communication d’une
personne qui abuse de l’autre
• Cette communication passe par une rupture permanente de
la logique de la communication.
Le sujet qui se trouve dans la position de contrôle va
faire des cassures successives, de sorte que tantôt il se montre autoritaire,
tantôt il se montre persuasif, tantôt il se montre très dynamique. Il y a des
moments où il se présente comme une personne autoritaire, exigeante, puis il
peut passer à une position de demande, où il supplie. Voilà le mode de
communication qu'utilisent les personnes qui ont la main mise sur un groupe
d'autres personnes.
Cette cassure dans la logique de communication fait que
celui qui essaye de déchiffrer ce que l'autre lui dit de faire, n'arrive pas à
se repérer.
C'est comme s'il devait faire attention à plusieurs
visages. Il est comme en face d'un totem dont les divers visages lui parlent en
même temps. Tout l'incite à s'accrocher à cet interlocuteur autoritaire, mais
comme - nous l'avons dit - cette personne change tout le temps, il ne peut pas
lui trouver une cohérence sémantique dans la continuité et cette hésitation
amène un état d'épuisement, une fatigue, un abandon.
Quand l'autre lui dira : " fais ça, deviens ça "
il ne sera plus en mesure de se repérer dans l'incohérence de la communication
et il s'en accommodera.
On observe ça particulièrement chez les enfants, mais
aussi chez les personnes qui sont dans une situation de contrainte ou dans une
situation très prégnante à la quelle ils ne voient pas d'issue et où ils
s'accommodent de l'injonction qu'on leur donne.
Une autre composante de la communication abusive, c'est ce
que l'on appelle l'injonction. L'injonction c'est un type de consigne qui fait
que l'individu ne peut pas s'y soustraire. On affirme, par exemple : "
tous les enfants font comme ça "
Dans le cas du bizutage, on dit : " tous les ans, ça
se fait comme ça ; tous les élèves le font ; tous les anciens l'ont fait.
"
Dans l'injonction, on appuie la consigne sur des prémisses
qui n'ont même pas à être discutées : on doit s'y conformer, se conformer.
C'est plus qu'un ordre. Un ordre on peut lui désobéir, on peut le contester.
Une injonction, non. On ne peut pas s'y soustraire.
* Une autre composante de la communication abusive, c'est
la rétorsion. La rétorsion, c'est un message particulièrement pervers centré
sur l'idée : " tout ce que tu vas faire pour te soustraire
à cette situation provoquera, fera ton mal. C'est toi,
toi-même qui provoque, qui construit ta propre douleur. " La rétorsion,
c'est un message d'une extrême violence. C'est le message que transmet celui
qui contrôle la situation lorsqu'il dit : " si vous collaborez, la mort
sera plus douce pour vous. Si vous ne résistez pas, vous souffrirez moins.
" La rétorsion c'est plus que la menace :
- la menace dit : " si tu ne fais pas ça,je fais
telle chose " ;
- tandis que dans la rétorsion, on lui dit : " si tu
résistes, tu te mets en difficulté ". La menace est voilée, contenue dans
une communication dans laquelle le sujet ne peut que compliquer sa situation.
S'il résiste, c'est évident que c'est lui qui provoque la sanction. Le
responsable, c'est lui, mais pas celui qui le soumet à la contrainte.
La conjonction de ces trois éléments : ruptures des
registres de communication, injonction, rétorsion, crée un état émotionnel très
particulier. Il induit, chez ce sujet soumis à une situation apparemment sans
issue, un blocage de ses capacités de résistance, d'anticipation, de
contestation, d'élaboration d'une stratégie satisfaisante. Quand, en plus, le
contexte pousse à ne pas critiquer la situation, il est évident qu'en un temps
très bref, un individu peut se conformer à l'ensemble des pressions qui
s'exercent sur lui.
Ce type de communication crée un état émotionnel un état
psychique de vulnérabilité, mais ça ne suffit pas. Il faut un peu plus que cela
pour amener l'individu à se soumettre volontairement à ce qu'on lui demande de
faire, même s'il sait que cela lui sera préjudiciable, que ça lui causera de la
douleur. Pour cela, il faut des actions plus concrètes :
2 - Trois praxis, trois actions sont menées successivement
ou simultanément pour soumettre un sujet à ce type d'impact.
* La première de ces actions c'est l'effraction. Retenez
bien ce mot. L'effraction c'est la pénétration dans le territoire privé, intime
du sujet. C'est l'entrée par la force dans le territoire gardé d'un sujet.
Faire effraction, c'est entrer autrement que par la porte. On entre par la
force, en cassant quelque chose. On brise la membrane protectrice. Il y a
effraction quand on rentre dans l'intimité, quand on dévoile un aspect privé, quand
on montre l'intimité du sujet, quand on rend public un aspect privé, réservé de
sa vie, quand on déshabille quelqu'un, quand on le montre nu, qu'on l'exhibe.
Il y a l'effraction dans la vie sexuelle, par laquelle l'abuseur entre dans le
corps de l'enfant.
C'est l'un des éléments essentiels : on va chercher une
proie dans son territoire ; on pénètre dans le territoire du sujet et on
l'emmène dans un autre territoire qui n'est pas le sien.
* La captation est une action extraordinaire. On l'observe
dans le monde animal, quand une créature se métamorphose, se cache, en
attendant le passage de sa proie. On prépare un piège dont l'autre ne connaît
pas les données. La captation peut être préparée par les abuseurs dans le cadre
de certains rituels. Cela consiste dans une manière de présenter la chose de
telle manière que tout le monde se sente attiré par un éventuel bénéfice. C'est
ce que fait l'animal prédateur, quand il imite le chant de la proie : et la
victime s'approche trompée et attirée.
Toute situation abusive est basée sur cette effraction et
cette captation On va jusqu'à prendre la liberté du sujet. Une fois que le
sujet a abandonné sa liberté, il ne peut plus la reprendre. Il est dans le
piège.
* La troisième action, c'est la programmation : Quand vous
avez pris une proie dans un territoire et l'avez mise dans une cage, la
programmation consiste à faire en sorte que quand on ouvre la cage, la proie ne
la quitte plus.
C'est une manière de mettre quelque chose dans la tête de
l'autre, pour qu'il adhère à ce qui lui est arrivé.
C'est une sorte de conformation de comportement de sorte
que, dans l'avenir, le sujet qui adhère, participe et se comporte dans l'avenir
d'une façon précise.
Je pense que dans ce concept de programmation, on peut
trouver une explication. La programmation peut se faire en très peu de temps.
On peut dire à quelqu'un : " quand tu seras plus
fort, tu pourras faire le même chose que ce qu'on te fait maintenant "
cette injonction, ce message va faire mouche et le sujet va être programmé de
telle sorte que, quand l'occasion s'en présentera, il va se comporter comme il
était prévu.
Il faut comprendre que dans la vie quotidienne, nous
sommes soumis, tous, en permanence, à un bombardement de messages de ce type.
Je viens de faire une décomposition pédagogique de cette
situation dans laquelle il y a abus.
Quand les trois éléments sont ensemble et sont puissants
et cohérents, le sujet reste attrapé. Il reste piégé, il reste sous l'emprise
et il va partager et collaborer finalement, en restant inscrit dans la logique
de l'action programmée.
Si les trois éléments ne sont pas réunis le sujet garde
une capacité de résistance.
Si les trois actions n'ont pas abouti dans leur totalité,
il pourra se soustraire à cette logique.
Par exemple, s'il y a effraction seulement, le sujet
parvient à se rend compte qu'il a été violé. Il peut se soustraire à la
logique, il garde une capacité de dénonciation.
Il faut très peu de temps pour construire l'emprise.
Est ce que des gens sont suffisamment malins, suffisamment
équipés pour programmer les autres . On peut admettre que oui. Certes, ceux qui
agissent en tant qu'opérateurs n'ont pas lu des livres concernant l'emprise.
Ils savent parce qu'on le leur a transmis. Ils découvrent,
par l'expérience, la manière dont on s'y prend et l'effet que ces méthodes ont
sur les autres.
Ils découvrent et amplifient ce qu'ils ont ainsi appris,
jusqu'à le formaliser sous la forme d'un rituel qui définit clairement qui sont
les victimes et qui sont les personnes qui contrôlent.
A propos de l'absence de réaction, il faut savoir que
notre cerveau est facilement piégeable. Nous pouvons tous être piégés, tous !
En sortant d'ici, vous pouvez - à tout moment - croiser un individu qui danse
devant vous et vous invite à le regarder et pendant ce temps, par derrière,
" tchak ! ", on vous prend votre argent. Ca marche. Il y a des
mécanismes indétectables dans le cerveau qui amènent une focalisation.
On focalise l'attention d'une personne sur un point et
alors que son état d'alerte périphérique reste vulnérable, " pschit !
", on fait mouche dans son système cognitif parce que toute l'attention
est focalisée
Notre cerveau est vulnérable sur ce point et les
phénomènes que vous avez observés se reproduisent des milliers et des milliers
de fois, de façon quotidienne ; les individus sont piégés dans leur état de
conscience.
Il s'y ajoute un phénomène de fascination. La totémisation
dont j'ai parlé entraîne une fascination : " il est presque beau ; il est
presque attirant ". On reste devant cet individu aux faces multiples dans
un état de fascination presque paranoïde, qui paralyse nos capacité et fait
abandonner toute possibilité de critique et de prise de conscience. Comment
faire pour réagir dans un système qui fonctionne de cette façon, On peut s'y
soustraire, et c'est remarquable, soit grâce à une critique concernant cette
attirance, soit en faisant une alliance à deux ou trois individus ou même en
groupe, afin de réfléchir aux méthodes utilisées et d'élaborer une critique.
Ce n'est pas toujours possible parce que le contexte peut
inviter à faire confiance, à s'abandonner et même à s'offrir au châtiment.